Les voies de migration

La thèse d’Anita Lucchesi porte sur la création d’une plateforme digitale consacrée aux « récits de migration » tout en faisant appel au « crowdsourcing ». « Mon intention initiale pour ce projet d’histoire publique était de me concentrer sur la migration italienne et portugaise au Luxembourg, mais j’ai vite dû constater que le phénomène était bien plus multiculturel au Grand-Duché », explique la doctorante qui a par conséquent élargi la cible pour y inclure d’autres nationalités.

Au lieu d’un site internet sur lequel les participants auraient téléchargé leurs récits, elle s’est décidée pour une plateforme dynamique accessible par Facebook et Instagram en indiquant le mot-dièse #memorecord. Le site correspondant, memorecord.uni.lu, est une plateforme qui regroupe ces communications pouvant se présenter sous forme de textes, photos, sons ou vidéos, tout en y documentant les interactions, les commentaires et les discussions en ligne. Pour toucher aussi les gens qui n’ont pas l’habitude d’utiliser les médias sociaux, les générations plus âgées entre autres, la chercheuse a recours à des voies plus classiques, par exemple en présentant son projet dans des maisons de retraite.

Il s’agira bien sûr aussi pour Anita Lucchesi d’analyser ces récits pour en dégager des thèmes communs. « Jusqu’à présent, les informations affichées sont très diverses, mais on constate que les gens accentuent plutôt les aspects positifs de leur vécu de migrant, parfois avec une note nostalgique », a-t-elle constaté. « Exploiter ces données est un vrai challenge, des méthodes d’analyse standardisées pour ce type de source n’existant pas encore. »

Si des milliers de Luxembourgeois ont émigré au Brésil au cours du XIXe siècle, la vague d’émigration qu’examine Dominique Santana dans sa thèse de doctorat est bien plus récente. Il s’agit des expatriés qui s’y sont établis dans le contexte de l’expansion des activités de l’ARBED au Brésil, plus particulièrement dans l’État du Minas Gerais, riche en minerai de fer, où le groupe luxembourgeois avait fondé la Companhia Siderúrgica Belgo Mineira. Ces migrants, mais aussi leurs descendants de deuxième ou troisième génération, intéressent la chercheuse dont le travail se concentre sur une période comprise entre 1920 et 1965. « Il s’agit d’à peu près 800 personnes, dont la plupart sont revenus au Luxembourg au terme d’un contrat initialement de trois ans, mais d’autres y sont restés avec leur famille », explique la doctorante.

Ces Luxembourgeois y formaient une communauté à part, restants proches de leur pays natal dans leur culture et leur mode de vie. « Une certaine hiérarchie sociale était quand même présente dans cette communauté, un contremaître n’y jouissant pas des mêmes commodités et du même statut qu’un ingénieur », ajoute Dominique Santana qui veut éviter de succomber à la tentation du « récit maître » (master narrative) représentant une colonie unie à tous les égards. Dans sa recherche d’historienne, elle utilise un large éventail de sources : archives de la Belgo Mineira, journaux, passeports, lettres ainsi que l’histoire orale en réalisant des interviews.

Autre aspect original de sa thèse, la chercheuse compte en plus réaliser un « web-doc » sur le sujet, un documentaire interactif qui sera diffusé sur un site internet dédié.

Enfin, une troisième thèse de doctorat soutenue par le Fonds National de la Recherche (FNR) a été lancée en octobre 2018. Arnaud Sauer, doctorant au C²DH, y analysera les flux, la mobilité et les réseaux de main-d’œuvre étrangère dans le bassin minier transfrontalier du Minett durant la période de l’entre-deux-guerres.