Héritages de la guerre, collaboration et résistance

L’unité de recherche « Histoire contemporaine du Luxembourg » au sein du C²DH s’est donné comme objectif d’étudier des objets aux cadres temporels, spatiaux et théoriques variables, en vue de produire de nouveaux savoirs scientifiques sur des phénomènes et des processus qui ont profondément affecté le Luxembourg et dont la valeur comparative dépasse la perspective nationale : histoire de la formation de l’État-nation, histoire des deux guerres mondiales, des occupations du pays et de leurs héritages, de l’antisémitisme et de la Shoah, des collaborations, des résistances, tentatives autoritaires et démocratisation, histoire syndicale et histoire de l’État-providence, histoire des migrations, histoire des transformations sociétales et culturelles depuis les années 1970… L’accent est mis dans un premier temps sur les héritages des guerres.

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L’un des premiers projets lancés par le C²DH a été l’exposition numérique Éischte Weltkrich – Remembering the Great War in Luxembourg, consacrée à la Grande Guerre au Luxembourg.
Le projet, soutenu par le ministère d’État et impliquant certains des principaux musées nationaux, archives et institutions culturelles, a profité de l’occasion offerte par le centenaire de la Première Guerre mondiale pour renouer avec une période encore largement négligée par l’historiographie locale. Le C²DH a créé une ressource numérique à long terme avec des archives numérisées provenant de différents dépôts et rendues largement accessibles à tous.
« Les expositions numériques permettent d’expérimenter différentes technologies pour enrichir la présentation des histoires autour des objets et des collections », explique Sandra Camarda, coordinatrice du projet. « De plus, elles donnent la possibilité de s’adresser simultanément à plusieurs publics, avec un contenu qui peut être superposé en fonction des différents niveaux d’expertise et intérêts ».
Éischte Weltkrich, qui comprend une partie narrative en quatre sections thématiques, une vaste collection d’objets, une chronologie détaillée et une carte interactive – ainsi que des sections spécifiques pour les écoles et les chercheurs universitaires – a été lancée en avril 2018 et sera complétée jusqu’en 2021. Elle est proposée en trois langues : anglais, français, allemand.

Une série d’événements destinés à la fois aux spécialistes et aux non-spécialistes accompagne le développement de la plate-forme numérique : à savoir une série de conférences axées sur les projets d’histoire numérique et publique liés à la Première Guerre mondiale, des ateliers et des groupes de discussion avec les professeurs d’histoire locaux pour promouvoir la culture numérique, et des expositions physiques présentant les objets et documents originaux de la collection numérique.
La première exposition, « Être d’ailleurs en temps de guerre (14-18), Étrangers à Dudelange – Dudelangeois à l’étranger », qui s’est tenue de mars à décembre 2018 et est le fruit d’une collaboration entre le C²DH et le Centre de Documentation sur les Migrations humaines (CDMH), explore le lien entre guerre et migration humaine. Le cas de la ville migrante de Dudelange pendant la Première Guerre mondiale a permis de suivre les différentes trajectoires tracées par ceux qui ont volontairement quitté le pays, ont été contraints de fuir ou ont immigré ou cherché refuge sur son territoire. L’exposition était accompagnée d’une installation vidéo immersive et multisensorielle des artistes Chiara Ligi et Mauro Macella avec un paysage sonore du compositeur Tommaso Leddi. La prochaine exposition, « Légionnaires », prévue entre juin et décembre 2020, en collaboration avec le Musée Dräi Eechelen, se concentrera sur les émigrants luxembourgeois qui ont combattu dans la Légion étrangère française, explorant les questions de nationalité et débloquant les mythes et stéréotypes populaires pour révéler ambiguïtés et contradictions.
Le projet va pourtant dépasser l’approche microhistorique pour déboucher sur une histoire quantitative. Nous avons profité de l’exploitation systématique des dossiers de la police des étrangers pour créer une banque de données contenant des informations détaillées sur les immigrés juifs. Grâce à cet outil informatique, nous sommes d’abord en mesure de retracer le parcours de milliers de personnes, des années 1930 aux années 1950. À part cela, cet outil nous permet aussi de dépasser le niveau individuel. Nous pouvons analyser la composition et l’évolution de la population juive immigrée. La banque de données nous permet ensuite de situer chaque individu par rapport à l’ensemble des immigrés juifs. Finalement, elle nous ouvre la voie à une étude des rapports que les immigrés ont eus avec les autorités : savamment nourrie et manipulée, elle sera un outil pour mieux saisir et même mesurer l’attitude que les représentants de l’État luxembourgeois ont manifestée à l’égard des réfugiés juifs. Ainsi, elle sera en même temps un outil pour approfondir nos connaissances sur la manière dont les autorités luxembourgeoises traitaient les étrangers juifs entre les années 1930 et les années 1950.

Un deuxième projet de recherche, Luxembourg State Policy Towards Jews, financé par l’Université du Luxembourg, entend combler une lacune dans l’historiographie de la Shoah en Europe occidentale en fournissant la première étude de cas détaillée sur le Luxembourg des années 1930 aux années 1950, dans une optique comparative et transnationale. Elle étudie les politiques d’accueil de migrants et de réfugiés juifs pratiquées par les autorités luxembourgeoises des années 1930-1950, en analyse les continuités et les ruptures, commence à les comparer à celles pratiquées à l’encontre d’autres étrangers (la communauté polonaise, composée pour moitié de juifs et pour moitié de catholiques, représente un échantillon prometteur pour ce genre de comparaison). En plus, comme l’exprime Marc Gloden, « le projet combine l’approche micro-historique avec l’histoire quantitative. Nous avons profité de l’exploitation systématique des dossiers de la police des étrangers pour créer une banque de données contenant des informations détaillées sur les immigrés juifs. Grâce à cet outil informatique, nous sommes d’abord en mesure de retracer le parcours de milliers de personnes, des années 1930 aux années 1950. À part cela, cet outil nous permet aussi de dépasser le niveau individuel. Nous pouvons analyser la composition et l’évolution de la population juive immigrée. La banque de données nous permet ensuite de situer chaque individu par rapport à l’ensemble des immigrés juifs. Finalement, elle nous ouvre la voie à une étude des rapports que les immigrés ont eus avec les autorités : savamment nourrie et manipulée, elle sera un outil pour mieux saisir et même mesurer l’attitude que les représentants de l’État luxembourgeois ont manifestée à l’égard des réfugiés juifs. »

Enfin, les membres de l’unité de recherche ont également contribué aux développements d’approches transnationales de l’histoire du Luxembourg contemporain. Ainsi, la publication du volume 4 (1919-1945) de la série Grenzerfahrungen. Eine Geschichte der Deutschsprachigen Gemeinschaft Belgiens a vu la participation de plusieurs membres du C²DH. Dans ce cadre, de nouvelles questions d’interprétation du comportement des populations face à l’annexion nazie ont été soulevées : la notion d’« opportunisme situatif » fera l’objet de recherches en matière de l’histoire du Luxembourg entre 1940 et 1944. Par ailleurs, les membres de l’équipe ont exploré à travers plusieurs rencontres une approche mondiale de l’histoire du Luxembourg en discutant le potentiel de l’ouvrage « Histoire mondiale de la France » (dir. P. Boucheron) pour le Grand-Duché.

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