«Mai 68» désigne bien plus que la période de mai-juin 1968 où une révolte de la jeunesse étudiante gagna toute la France, avec des manifestations et grèves auxquelles participèrent des centaines de milliers de gens. Le nom évoque aussi des changements sociaux et culturels qui se sont passés à travers le globe ; il est devenu le symbole d’une évolution fondamentale de la société et de ses valeurs, voire même un mythe moderne.
Le Forum Z débuta par une conférence sur la musique de la génération 68, présentée par Hans Reul, responsable de la programmation musicale de la BRF à Eupen. À l’aide d’extraits sonores, il fit revivre cette époque à travers des classiques de Joan Baez, Bob Dylan, Jimi Hendrix, MC5, des Beatles et Rolling Stones et de chansonniers tels Renaud ou Claude Nougaro pour la France et Franz Josef Degenhardt pour l’Allemagne.
Une table-ronde, modérée par le Prof. Dr Andreas Fickers, directeur du C²DH, réunit ensuite Robert Bohnert, le Prof. Dr Dietmar Hüser, le Dr. Frédéric Krier, Richard Legay, Berthe Lutgen, Marie-Flore Weber et Florence Weimerskirch. Des témoins de la génération 68, à l’époque élèves, étudiants ou professeurs-stagiaires qui purent livrer leurs témoignages et souvenirs pour entrer en dialogue avec des historiens et chercheurs issus d’une génération plus jeune.
La multiplicité des vécus que racontèrent les participants illustrait que « mai 68 » était certes un mouvement fédérateur mais que pour un pays comme le Luxembourg qui n’y participa qu’indirectement, les expériences des uns n’étaient pas nécessairement les expériences des autres. La collation des grades était un problème qui concernait plus directement les jeunes Luxembourgeois qui menaient alors des études universitaires à l’étranger ou qui s’y préparaient, rappela Robert Bohnert. Pour exprimer leur mécontentement, ils se rassemblèrent devant la Chambre des Députés, le 22 mai 1968, au moment même où le mouvement culminait en France.
Au Luxembourg aussi, les années 60 étaient marquées par un esprit de rébellion contre l’establishment qui se répandit à travers la jeunesse sans toucher tout le monde de la même façon. Berthe Lutgen allait être une des principales responsables du Mouvement de Libération de la Femme (MLF) au Luxembourg, dans un contexte où les femmes mariées étaient encore considérées comme mineures et où les nouvelles méthodes anti-contraceptives contribuèrent certes à la libération sexuelle mais où l’avortement restait encore un grand tabou.
Les historiens présents, dont Andreas Fickers et Richard Legay du C²DH, soulevèrent des questions sur l’influence possible des médias, entre autres celui des radios privées, RTL et Europe 1, sur l’information du public ou le fait de savoir si les médias ont pu contribuer à créer une conscience de faire partie de la « génération 68 » même parmi ceux qui n’ont pas participé activement aux événements de 1968.
Le dessin et la caricature politique était un moyen beaucoup employé par les contestataires de 1968. Les organisateurs s’en sont inspirés en associant Carlo Schneider au Forum Z, un des caricaturistes les plus connus du Luxembourg, pour croquer sur le vif, avec son habituel humour au vitriol, les scènes que lui inspiraient les témoignages et débats.