Une mise en perspective des rencontres de football entre les équipes représentatives de Luxembourg et du nord-est de la France durant l’entre-deux-guerres est ici menée. Celle-ci est permise par la consultation des archives des fédérations sportives et des clubs, les journaux luxembourgeois et champardennais et les délibérations municipales de Reims. Ces matchs de football internationaux s’inscrivent dans un espace transfrontalier en cours d’émergence au sein duquel se multiplient les coopérations économiques et les interactions entre sphères politiques, journalistiques et industrielles. Greffées sur un tissu associatif (les « clubs ») en plein essor, les fédérations footballistiques nationales gagnent en légitimité sociale par un double processus de notabilisation de leurs dirigeants et d’interactions avec les édiles politiques locaux. Dès la deuxième partie des années vingt apparait la compétition footballistique qui, malgré la médiocrité de la performance strictement sportive, incite de multiples acteurs à prendre acte et à participer à la rentabilité croissante de cette pratique culturelle en pleine mutation. Le recul dans les années trente de l’autorité fédérale garante de l’amateurisme dans le football laisse le champ libre à la presse, aux municipalités et aux clubs les plus puissants pour transformer une pratique ludique et collective en un spectacle dont les enjeux sont de représentation (retombées symboliques), de publicité et d’enrichissement (retombées économiques). L’étude, enfin, de la composition des comités d’honneur des grands clubs de part et d’autre de la frontière et de trajectoires individuelles significatives permet d’éclairer selon quelles modalités le contexte géopolitique et la concentration des élites, en particulier urbaines, fait entrer le football, et avec lui les footballeurs, dans l’économie marchande qui, elle aussi, redéfinit la nature des frontières nationales dans cette grande région entre la Marne et le Rhin.
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