Le 4 mai 2017, la Maison de l’histoire européenne a ouvert ses portes au public à Bruxelles. L’inauguration de ce musée est le résultat d’un processus engagé plus de dix ans auparavant. En février 2007, dans son discours inaugural à Strasbourg, le nouveau président du Parlement européen Hans-Gert Pöttering annonçait en effet la création d'un tel musée : « je souhaite que l'on crée un lieu de mémoire et d'avenir où l'idée européenne puisse prospérer. Je propose la création d'une Maison de l'histoire européenne ». Dans l’esprit de Pöttering, il devait s'agir « d'un lieu entretenant la mémoire de l'histoire européenne et de l'unification européenne tout en permettant aux citoyens actuels et à venir de l'Union européenne de continuer à modeler l'identité européenne ». Après un débat approfondi, bénéficiant notamment du soutien de la commission de l’Assemblée pour l’éducation et la culture, le Bureau du Parlement européen décidait de manière unanime de donner une suite concrète à cet appel. Pour autant, l’ambition exprimée par les institutions européennes de créer un musée sur l’histoire de l’Europe n’était pas une chose nouvelle. Que l’on songe notamment au projet de la députée Louise Weiss qui, dès 1981, avait proposé la mise en place d’une « exposition d’information sur le thème de l’Europe en mouvement en tant que premier pas dans la voie de la création d’un musée permanent de l’unification européenne ». À l’époque, certains parlementaires déploraient d’ailleurs qu’il n’existe en Europe « aucun centre chargé de façon systématique de recueillir les documents ayant trait à cette intégration, de les utiliser et d’en assurer de diverses manières la vulgarisation, notamment dans le domaine pédagogique ». Se sont ensuite multipliées les initiatives visant à instrumentaliser l’outil muséal à des fins d’usages politiques du passé au-delà du cadre stato-national et à faire de la mémoire institutionnalisée une catégorie d’action publique au niveau européen. C’est ainsi par exemple que des actions se sont mises en place au sein des organisations européennes pour mobiliser des historiens autour de l’écriture et de l’enseignement de l’histoire de l’Europe. Plus récemment, on aura encore pu noter la volonté de plusieurs institutions de l’Union européenne de s’adresser à des historiens professionnels pour faire rédiger des ouvrages retraçant leur histoire, en mobilisant à la fois les archives disponibles et en recourant à l’histoire orale avec d’anciens fonctionnaires. En 1997, un projet privé de ‘Musée de l'Europe’ était également lancé à Bruxelles, qui donna lieu à deux expositions de préfigurations. Portée par des personnalités politiques belges, qui se présentaient elles-mêmes comme des militants de l’Europe unie, l’initiative obtint le soutien politique et financier de plusieurs entreprises, du gouvernement belge et d’institutions communautaires. Pour un temps, il fut d’ailleurs question que le musée soit hébergé dans un des bâtiments du Parlement européen. Pourtant, une fois encore, le projet de Musée de l’Europe resta lettre morte.
Dans ce contexte, le projet de la Maison de l’histoire européenne se révélait particulièrement ambitieux. En décembre 2007, un comité d'experts est constitué, composé de neuf historiens ou spécialistes européens de musées. Sur la base du consensus, celui-ci pose en septembre 2008 les fondements conceptuels et muséographiques pour la Maison de l'histoire européenne. Rapidement, les choses se mettent en place. Il est notamment décidé que la Maison de l’histoire européenne aura pour première vocation de permettre aux personnes les plus diverses et de tous horizons de mieux comprendre l’histoire récente du continent en la replaçant dans le contexte des siècles précédents, qui ont façonné les idées et les valeurs par le jeu de processus parfois longs et difficiles. Le musée devra aussi donner aux citoyens les moyens de porter un regard critique sur l’histoire de l’intégration européenne, ses ressorts, ses perspectives et ses défis. Ainsi, la Maison de l’histoire européenne a été pensée comme un lieu d’apprentissage informel, un cadre offrant aux visiteurs la possibilité d’acquérir des connaissances au travers de l’expérience qu’ils font du musée. Conçue comme un lieu favorisant l‘immersion, la Maison de l‘histoire européenne doit pouvoir susciter chez ses visiteurs l‘appétit d‘une histoire présentée comme la leur, et éveiller leur curiosité sur le cours actuel de l’Europe. En présentant l’histoire de l’intégration européenne dans le contexte plus vaste de l’histoire européenne des XXe et XXIe siècles, la Maison de l’histoire européenne doit enfin compléter l’offre du Parlamentarium inauguré en 2011, qui est lui centré sur l'histoire de la construction européenne et le fonctionnement du Parlement européen.
Un concours international pour la rénovation et la transformation du bâtiment Eastman, inauguré en 1935, est lancé en 2009. Pour l’historien, participer à ce projet est néanmoins une gageure. Fort nombreux en effet étaient les défis à relever : comment développer un contenu équilibré pour une histoire transnationale de l’Europe ? Comment définir les messages à transmettre à travers une scénographie innovante ? Comment, dans un espace limité, rendre justice aux différents champs de l’histoire : histoire sociale, histoire culturelle, histoire économique, histoire politique, histoire des sciences, histoire des sciences, ... Comment éviter les risques d’interférence politique dans la définition des contenus ? Comment concevoir une ligne narrative transposable à travers l’usage des vingt-quatre langues officielles de l’Union européenne ? Quels outils développer pour aborder à travers l’exposition les relations parfois conflictuelles entre histoire et mémoire ? Comment identifier les objets et les documents à exposer ? Comment constituer une collection permanente d’objets en lien avec l’histoire de l’Europe ? Quelle politique éducative mettre en place ? Comment articuler exposition permanente et expositions temporaires, voire itinérantes ?
Toutes ces interrogations ont été au cœur du travail des historiens, des conservateurs et des scénographes impliqués pendant près de dix ans dans les différentes phases de développement du musée. Fort de cette expérience unique d’histoire publique, Étienne Deschamps a pu apporter et partager son témoignage de praticien avec les participants du séminaire Hands-on History.